En 2016, nous avons eu l’occasion de tenter l’aventure de l’école à la maison*. Pour différentes raisons, cet épisode d’éducation à domicile n’aura duré que quelques mois. Même si cela a été un deuil à faire de mon côté, j’ose croire que rien n’arrive pour rien et que je me devais de vivre cette expérience afin de mieux comprendre les défis et les réalités des parents que j’accompagne. J’ai pour mon dire que chaque épreuve nous permet d’en apprendre toujours plus: sur nous, sur les autres et sur la vie en général. Je vous partage donc, bien humblement, les leçons que j’ai tirées de cette brève période d’apprentissage en famille.
* Note: J’utilise les termes école à la maison, éducation à domicile, apprentissage en famille et enseignement à la maison dans mes textes de façon interchangeable. Au quotidien, utilisez le terme qui résonne le plus avec votre vision de cette belle expérience familiale!
La préparation pour l’éducation à domicile
Peu importe notre philosophie familiale et éducative, je crois qu’un processus de préparation est nécessaire afin de prendre le recul requis pour prendre position sur notre vision de l’aventure, de l’assumer et de vivre ce choix de la meilleure façon qui soit. Peu importe comment on entrevoit soutenir les apprentissages de son enfant, il est essentiel de le connaître comme personne et comme apprenant. Chaque enfant étant différent, il importe de tenter de répondre à ses besoins afin de maximiser ses apprentissages tout en suivant son rythme et ses besoins. Il est tout aussi essentiel de se connaître en tant qu’éducateur, afin d’aller chercher les ressources nécessaires (qu’elles soient matérielles, personnelles, interpersonnelles, physiques ou morales) pour nous aider dans les tâches du quotidien en éducation à domicile.
Réflexions sur les apprentissages en famille
Nous avons une grande réflexion à faire lorsqu’on commence l’éducation à domicile. Le temps est notre meilleur allié, mais pour ça il faut tout de même qu’on soit prêt, autant son enfant, son conjoint et soi-même, à remettre tout en question pour déterminer ce qui serait le mieux pour notre enfant. Ici, l’aventure d’école à la maison a seulement duré quelques mois, pour diverses raisons, mais entre autres à cause de la peur de “perdre son temps”, de ne pas être au même niveau que les jeunes de son âge, du manque de confiance envers l’intelligence humaine naturelle (un beau legs de notre propre scolarisation qui nous compare constamment et nous demande “tout, tout de suite, parfaitement, rapidement et au moment où le programme le prescrit”) et au grand besoin de socialisation de notre enfant.
Selon moi, une phase de déscolarisation (se sortir du milieu scolaire, physiquement et mentalement, j’expliquerai en détail plus bas) s’avère nécessaire lorsqu’on envisage les apprentissages en famille à temps plein. D’autant plus, elle se fera d’elle-même lorsqu’on sortira officiellement des sentiers battus. Il est normal qu’elle se fasse sur une période plus ou moins longue selon notre parcours scolaire et notre mentalité face aux apprentissages.
Avec le temps et le recul, j’ai compris qu’apprendre se fait partout à tout moment, sans même qu’on s’en rende compte. Par contre, ce n’est pas évident à comprendre, autant pour un adulte que pour un enfant qui aurait fréquenté l’école. L’entourage immédiat des familles qui pratiquent l’éducation à domicile a aussi une certaine période de déscolarisation à vivre afin de ne pas transmettre aux enfants ses peurs, ses croyances et ses préjugés face à ce mode d’apprentissage alternatif. Les parents peuvent avoir un lourd fardeau à porter lorsqu’ils assument leur choix: choisir un mode de vie marginal n’est pas chose facile et les jugements extérieurs (et intérieurs) peuvent fuser de partout.
La déscolarisation nous permet de prendre un recul face à notre expérience éducative et à remettre en question ces croyances que nous avions au sujet de l’apprentissage dans le sens large du terme afin de le voir d’une tout autre façon: évoluer au gré de la vie et des expériences qu’elle glisse sur notre route.
L’école à la maison: un projet de famille
Les parents devraient avoir une vision commune quant à la forme déducation à domicile offerte. Que ce soit sous une philosophie d’écologie de l’enfance, d’éducation classique, d’école-maison calquant le modèle scolaire, d’apprentissages libres, d’apprentissages par projets, de la mise en place d’une pédagogie nouvelle ou d’un hybride. Les deux parents qui sont en accord avec celle-ci en viennent à bâtir un environnement et une atmosphère qui sont favorables au bon déroulement de l’expérience. Les enfants, étant des éponges à émotions, sentiront facilement s’il y a désaccord sur certains aspects de leur éducation.
Quel enfant n’a jamais fait une demande à papa et s’est retourné vers maman suite à un refus?
Dans la phase de préparation, il est donc important pour les deux parents, qu’ils vivent ensemble ou non, de comprendre les termes utilisés dans le domaine (homeschooling, unschooling, scolarisation à domicile, école-maison, apprentissages libres, apprentissage par projets, philosophie Montessori, Waldorf-Steiner, etc.) sans les prendre au premier degré ou encore sans s’arrêter à leur première impression face à ces philosophies.
Par exemple, le terme unschooling de par son appellation peut avoir une certaine connotation péjorative, mais il s’agit d’une approche ayant fait l’objet de recherches sérieuses au même titre que les autres.. Il est donc important d’approfondir ses recherches afin de se faire sa propre idée sur les différents courants de pensée éducatifs et d’échanger ensemble à ce sujet pour se construire une vision conjointe et cohérente.
Et les enfants dans tout ça?
Apprendre en famille doit convenir aux parents, mais d’abord et avant tout aux enfants. Chaque enfant ayant des besoins uniques, certains enfants ont besoin d’une grande présence de jeunes de leur âge autant pour apprendre que pour socialiser. Certains ont besoin d’une structure, d’un horaire défini afin de les sécuriser au quotidien. Certains ont besoin d’apprendre en manipulant, en regardant, en construisant, en faisant, en s’asseyant, en écrivant, en faisant des exercices dans un cahier, etc. Il est donc primordial de cerner ces façons d’aider l’enfant à optimiser ses apprentissages. Cela veut dire se remettre en question constamment, faire des essais, des ajustements et réévaluer sa façon de faire régulièrement puisqu’on évolue tout un chacun au fil du temps. Et la bonne nouvelle avec l’éducation à domicile, c’est que les parents ont justement cette liberté de s’ajuster constamment afin de suivre le rythme et les besoins de leur enfant.
L’adaptation à une éducation alternative
Dans tout changement se produit une phase d’adaptation. La capacité de s’adapter est essentielle dans la vie. Elle nous permet de grandir au travers des défis qui croisent notre route. En faisant preuve d’une mentalité de croissance qui nous amène à voir nos erreurs comme alliés plutôt que comme un échec. Je crois que l’adaptation à une nouvelle situation est facilitée si on la voit ainsi. En tant qu’humain, il est primordial de voir nos erreurs, nos obstacles et nos défis comme des occasions d’apprendre.
Il est d’autant plus essentiel de modéliser notre vision des choses en admettant nos erreurs ou en extériorisant nos sentiments face aux situations plus difficiles en présence de nos enfants. Apprendre amène à se mettre en situation de conflit cognitif afin de reconstruire, peaufiner sa vision et sa compréhension des choses. Il est donc important pour les apprenants, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, de le faire dans un climat de respect, d’acceptation et de croissance.
Selon le tempérament naturel de l’apprenant, accepter ses erreurs et considérer leur potentiel de croissance peut s’avérer ardu (vous connaissez l’anxiété de performance????). Il s’agit alors d’un effort de longue haleine afin de tranquillement changer sa vision. Apprendre en famille permet de vivre ensemble ces défis, d’échanger, de trouver des solutions, de les voir sous un jour différent, au moment même où ces défis sont vécus.
Une mentalité de croissance amène une vision et une attitude positives favorisant le processus d’apprentissage.
Oser faire différemment, oser sauter dans le vide, oser innover, oser l’éducation à domicile!
Chassez le naturel et il revient au galop. Puisque chaque individu a tendance à imiter les modèles qu’il a vus ou expérimentés, il est difficile pour un éducateur qui a cheminé au travers du milieu scolaire lors de sa scolarité de se défaire de cette idée préconçue qu’apprendre se fait seulement au travers des livres, en vue d’une évaluation ou dans un contexte structuré. Pensons-y bien: parmi ces enfants qui fréquentent l’école, beaucoup suivent des cours extra-scolaires afin d’apprendre différentes choses!
Imaginons-nous: si on pouvait apprendre soi-même pour le plaisir, sans contrainte avec la seule motivation que de vouloir apprendre quelque chose de nouveau, de se développer en tant que personne, quoi de mieux serait possible?
Dans un contexte d’apprentissage en famille, apprendre peut prendre un tout nouveau sens. Il est certain que le parent doit jongler avec certaines contraintes en raison des relations à entretenir avec la Direction de l’enseignement à la maison (DEM au Québec) qui se doit de s’assurer que notre enfant vive une expérience éducative équivalente à ce qui serait vécu à l’école.
Par contre, la dispense de fréquentation scolaire vient octroyer au parent-éducateur une liberté éducative intéressante au sens où il est lui-même maître de l’horaire, du temps, de l’environnement, des activités à proposer, des endroits à visiter, etc. Il peut donc bâtir une expérience éducative sur mesure pour son enfant, respectant ainsi ses passions et ses intérêts tout en tenant compte de ses défis et de ses besoins.
Oui, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) doit normalement lui servir de guide, mais il n’est pas tenu de s’y conformer de la même manière que la majorité des enseignants le font en milieu scolaire, qui ont aussi à composer avec les contraintes de la structure scolaire. En contexte d’enseignement à la maison, le PFEQ peut être vécu d’une manière quasi utopique: les compétences transversales et les domaines généraux de formation peuvent enfin être priorisés et servir d’assise aux compétences académiques et aux domaines d’apprentissage. Le parent doit cependant être en mesure de répondre aux exigences de la DEM dans les différents rapports qu’il doit remettre pendant l’année.
“With great power, comes great responsibility.”
– L’oncle de Spiderman
La liberté dont nous jouissons dans un contexte d’école à la maison est telle qu’il est important de garder en tête notre vision, nos objectifs quant à l’éducation de notre enfant, tel qu’il est comme personne ET comme apprenant. Il est important d’écouter cette petite voix qu’est notre intuition qui ne se trompe que très rarement. Accepter de se tromper et reconnaître ses erreurs sont essentiels, ils montrent à l’enfant que c’est un phénomène normal dans le processus d’apprentissage.
Apprendre en famille
Selon moi, l’apprentissage en famille n’est pas que le fait d’enseigner à la maison (pour reprendre le terme du gouvernement) ou de faire l’école à la maison. Apprendre en famille est pour moi, une philosophie de vie selon laquelle toutes les occasions sont propices pour apprendre, peu importe l’endroit, le moment, l’âge.
Apprendre en famille peut se faire au quotidien, que nous le faisions à temps plein ou que notre enfant fréquente l’école, chacun des membres d’une famille évoluant les uns avec les autres en suivant le chemin qui lui convient le mieux. Les parents doivent alors cerner les besoins de leurs enfants et y répondre de la manière la plus adéquate qui soit: un défi de taille!
Cerner les besoins de son enfant et y répondre de la manière la plus adéquate qui soit: le défi de tout parent!
Écouter sa petite intérieure
Pour que l’aventure d’apprentissage en famille puisse persister dans le temps, il est essentiel pour le parent éducateur de ne pas s’oublier. Puisque la majorité des parents éducateurs sont des mamans qui donneraient tout pour leurs enfants (jusqu’à s’oublier), elles doivent être bien avec la petite fille, la femme, l’amoureuse et la “professionnelle” en elles, afin de surmonter les défis personnels, financiers, familiaux et éducationnels que cette réalité amène sur leur route.
Apprendre en famille à temps plein est une expérience des plus enrichissantes que j’ai vécue, mais les conditions gagnantes pour que cette aventure puisse continuer n’y étaient malheureusement pas. Je n’abandonne pas le rêve qu’un jour j’aurai la chance devivre l’éducation à domicile de nouveau, plus longtemps, en famille, avec papa à mes côtés.
À tous les parents qui rêvent d’apprentissage en famille: Suivez votre coeur ❤ et la vie vous réservera de belles choses, c’est certain. N’hésitez pas à vous questionner, à réseauter, à questionner les gens qui sont passés par là avant vous, à demander de l’aide lorsque vous en sentez le besoin tout en respectant votre petite voix intérieure. Bonne chance!
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